Ma relation avec le monde du Stock-Car est loin d’avoir commencé par un coup de foudre. Mes premières expériences avaient été plutôt pathétiques et m’avaient laissé un goût amer dans la bouche. Mais il semble que les astres avaient été alignés à ma naissance de façon à imprégner dans mes veines la passion de l’automobile. D’ailleurs, tous les éléments essentiels à l’émergence de mon talent m’étaient servis sur un plateau d’argent.
J’ai grandi à Saint-Joachim. C’est un petit patelin situé près du Cap-Tourmente à Québec. Mon père y possédait un garage. Dès l’âge de neuf ans, j’allais l’aider dès que j’avais un moment de libre. C’est moi qui réparais les crevaisons. Entre deux clients, j’observais mon père travailler. Ma famille était privilégiée, car mon père possédait une automobile. C’était une auto usagée qu’il avait restaurée. Il faut dire qu’en 1944, il y avait peu de véhicules sur les routes, car la majorité des familles n’en avait pas les moyens.
L’hiver, j’attachais une corde derrière l’automobile de mon père et je chaussais mes skis. Je me baladais comme en skieur nautique sur les routes enneigées du Québec derrière l’Oldsmobile noire 1938 qui roulait jusqu’à soixante mille à l’heure. En voyant mes acrobaties, ma mère voulait mourir. Mon père n’était pas trop enthousiaste avec mes idées farfelues, mais il acquiesçait. Sans le savoir, il permettait de faire germer mon talent de cascadeur qui, plus tard, allait se juxtaposer à ma passion pour la mécanique automobile.
J’avais neuf ou dix ans lorsqu’il m’a acheté un camion, un Star 1928, 4 cylindres. C’est avec ce camion que j’ai commencé à conduire à travers les champs. Je m’amusais à lui faire faire des acrobaties de toutes sortes. J’allais le caler dans la vase et je prenais plaisir à l’en sortir. Avec le temps, j’ai développé beaucoup de dextérité en conduite automobile. J’ai coulé des jours heureux à Saint-Joachim jusqu’à l’âge de quatorze ans. Mon père a vendu son garage et nous sommes déménagés à Québec. Il y fait l’acquisition d’un nouveau commerce situé sur la 1re Avenue.
Puisque j’avais le mot mécanique tatoué dans le front, dès l’âge de quinze ans je me suis inscrit à l’École technique de Québec pour parfaire mes connaissances dans ce domaine. Le cours a duré quatre ans. On y enseignait de façon détaillée tous les rouages du métier. En fait, les cours étaient si détaillés que l’on avait consacré six mois à étudier la soudure électrique, alors que cette matière aurait pu être facilement apprise en deux semaines. À l’époque, avec la maturité d’un garçon de quinze ans, je trouvais cela excessif. Je me rends compte aujourd’hui que ces professeurs passionnés m’avaient enseigné la mécanique de façon si approfondie qu’elle n’avait plus de secret pour moi. Plus tard, cette expertise m’a été très utile dans la création et la mise au point des autos de course que j’utilisais pour mes cascades.
Les deux dernières années de ma formation, j’avais décidé d’aller à l’école du soir. Le jour, je travaillais au garage de mon père. Un entrepreneur, qui entreposait sa machinerie lourde derrière le garage, m’avait offert de conduire son bulldozer pour faire de l’excavation. C’était drôlement plus payant que de réparer des véhicules et cela apportait dans ma vie un vent de changement qui était bienvenu. Mon premier contrat consistait à creuser la cave de l’église Saint-Albert-Legrand située à quelques rues du garage. Pendant six mois, les contrats se sont succédé les uns à la suite des autres. On y voyait une progression dans les difficultés des différents projets et dans la qualité du travail exécuté. À l’automne, j’ai été engagé au garage Jules Giroux à Giffard. C’était un garage spécialisé dans la réparation de gros camions. Au cours de ma vie, c’est l’endroit où j’ai travaillé le plus longtemps, car j’ai toujours détesté la routine. J’y suis resté onze mois.
À dix-huit ans, j’obtiens mon diplôme de l’École technique de Québec. La même année, mon père vend son garage. Le nouveau propriétaire a vingt et un ans. Il me demande de travailler pour lui. Cette année-là, j’avais réparé un Jeep usagé. Le soir, nous nous amusions à nous balader dans les champs en plein hiver. Nous roulions dans la neige pendant des heures. Depuis l’âge de neuf ans, j’avais acquis une grande habileté à manier le volant et je pouvais conduire dans différentes conditions. Mes copains de route étaient toujours pris dans la neige, alors que moi, je pouvais me sortir de toutes sortes de situations avec une facilité déconcertante.
Ma mère détestait les rudes hivers québécois. Elle n’avait qu’une idée en tête, migrer vers le sud. À l’automne 1954, mes parents décident de déménager en Floride. Mon père y avait un contact qui lui a trouvé un emploi dans un garage à West Palm Beach. Lorsque nous sommes arrivés, je ne parlais pas un mot d’anglais. J’ai finalement déniché un emploi comme laveur d’automobiles à Riviera Beach. Nous ne possédions qu’un seul véhicule, le Ford 1954. Le matin, j’allais reconduire mon père à son travail et le soir, je retournais le chercher. Je finissais beaucoup plus tôt que lui et je devais l’attendre pendant deux heures. Plutôt que de rester à ne rien faire, j’allais l’aider à réparer les autos. Le patron de l’entreprise s’est vite rendu compte que j’étais doué et il m’a engagé.
Comme j’avais la bougeotte, en 1955 je suis engagé chez Cochrane Buik. C’étaient eux qui fournissaient le bolide pour la Daytona 500 de Daytona Beach. C’était un Buik 1955, jaune au toit noir. On devait y ajouter des barres de protection. Ce fut ma première rencontre avec une auto de Stock-Car. À l’époque, je ne connaissais absolument rien à propos de ce genre de courses, car ma passion était entièrement dirigée vers la mécanique automobile.
L’ennui s’installe et je décide de revenir au Québec à bord de mon Mercury 1951. Je préférais passer l’été au Québec. À l’automne, je retourne en Floride où j’ai été engagé chez le Specialist Chysler situé sur Belvedere Road. J’étais attitré à toutes les tâches reliées à la réparation des véhicules. Les employés de longue date me regardaient de travers, car j’étais rapide. Ils voyaient les autos entrer et sortir à un rythme qu’ils n’étaient pas en mesure d’imiter. Le propriétaire du garage avait des amis bien nantis qui me confiaient leurs Rolls-Royce. Ces voitures haut de gamme m’étaient réservées, car j’avais acquis de la notoriété comme mécanicien. Le propriétaire savait que je ne travaillais jamais bien longtemps au même endroit. Il m’avait proposé de m’acheter une maison neuve située dans un nouveau développement si j’acceptais de rester à son service pendant au moins cinq ans. Même si l’offre était alléchante, je considérais que ma liberté n’avait pas de prix. La liberté, l’espace et les nouveaux défis faisaient battre mon cœur et m’animaient d’une joie de vivre et d’une passion débordante. Ou peut-être était-ce la passion elle-même qui avait besoin d’espace, de liberté et de nouveaux défis. Quoi qu’il en fût, je n’étais pas prêt à mourir à petit feu pour une maison. Alors, j’ai refusé son offre.
J’ai ensuite travaillé chez Doug Sonoco pendant l’automne et l’hiver 1956-1957. On travaillait dehors sous un auvent, car la température était agréable. Le garage était équipé de tous les outils inimaginables. Même si tous les mécaniciens étaient extrêmement compétents, les salaires étaient plafonnés à 80$ par semaine et nous devions travailler le samedi avant-midi. Par ailleurs, nous avions des avantages sociaux. Un jour en travaillant, un petit morceau de fer avait pénétré dans mon pouce jusque dans l’os. À l’hôpital, le médecin voyait bien la particule de fer sur la radiographie, mais il était incapable de l’en extirper. Après maints essais, j’avais le pouce qui ressemblait à du steak haché. J’ai été incapable de travailler pendant deux semaines, mais je touchais quand même mon salaire.
J’avais toujours voulu posséder une auto sport décapotable, mais les prix étaient exorbitants. J’avais décidé de la construire moi-même. J’avais acheté une carcasse de Ford 52. Avec l’aide de mon père, je bricolais mon bolide morceau par morceau avec des pièces provenant de différents modèles. Cet assemblage disparate était aussi inusité que le monstre créé par le docteur Frankenstein dans son laboratoire. Mais contrairement au docteur, nous avions réussi à créer un petit bijou exclusif.
À l’automne 1957, je suis de retour aux États-Unis. Ma mère avait reçu une lettre de l’armée américaine dans laquelle on me convoquait pour passer les tests de sélection. Au jour dit, je devais me rendre au bureau de poste situé à West Palm Beach. À 5 heures du matin, nous étions dix hommes à attendre l’autobus qui venait nous chercher pour nous amener à Miami. Nous devions d’abord compléter un test écrit. Puisque je maîtrisais mal l’anglais, j’étais certain que ma candidature ne serait pas retenue. Tout au long de la journée, les tests se déroulaient les uns à la suite des autres. Le ventre vide depuis la veille, nous étions tous debout dans une grande salle, nus comme des vers, pour passer un examen physique. Pour l’enfant en moi qui avait été éduqué dans la pudeur, ce fut une expérience extrêmement désagréable. À sept heures du soir, toujours le ventre vide, on nous déposait enfin au bureau de poste où on nous avait cueillis le matin. Dès les premiers instants, j’avais détesté l’armée. Avec les ordres, la discipline, la routine et le manque de respect pour la nature humaine, je ne crois pas qu’il existait un métier qui était plus loin de mes intérêts, mes aspirations et de ma personnalité.
Quinze jours plus tard, ma mère reçoit une nouvelle lettre de l’armée. J’ai été accepté. J’avais reçu une assignation pour me rendre à Miami pour une durée de trois jours. J’ai refusé de m’engager. Avec mon frère, nous avons décidé de partir pour Québec à bord de ma voiture sport décapotable. En arrivant à New York, il pleut des cordes. Mon bolide n’a pas de toit et les essuie-glaces ne sont pas fonctionnels. La pluie s’égoutte difficilement par les deux trous que j’avais faits dans le plancher. En guise d’essuie-glaces, nous avions attaché une corde de chaque côté et à tour de rôle nous tirions sur la corde pour permettre aux essuie-glaces de remplir leur fonction. Nous étions mouillés jusqu’aux os et perdus dans la ville. Nous avons donné dix dollars à un chauffeur de taxi afin qu’il nous amène jusqu’à l’autoroute que nous devions emprunter pour nous diriger vers le Québec.
Ma mère recevait des lettres continuellement. La deuxième lettre stipulait que j’étais un déserteur de l’armée américaine. Ma mère me couvrait en disant que j’avais été obligé de retourner au Québec pour m’occuper de mes grands-parents qui étaient mourants. Le temps que l’armée laisse tomber ma candidature, j’avais décidé de travailler au Québec. J’ai trouvé un emploi au garage Albert Barré situé sur le boulevard de la Canardière. C’est Gaston Moreau qui m’avait accueilli, celui-là même qui m’avait vendu mon premier coffre d’outils en 1945. Je suis resté à cet endroit pendant quelques mois.
L’armée semblait avoir lâché prise. À partir de ce moment, j’ai commencé à entrer aux États-Unis clandestinement. Je connaissais les petites routes secondaires où je pouvais traverser la frontière sans visa. Je voulais m’assurer que je n’aurais jamais l’armée aux trousses. Je retournais travailler dans les garages où j’avais été engagé les années auparavant. Ainsi, j’évitais les problèmes avec la justice.
Plus tard, j’ai décidé de légaliser mes séjours aux États-Unis. Pour éviter les problèmes avec l’immigration, je voulais obtenir ma Green Card. Pour ce faire, je devais fournir la preuve qu’un emploi m’attendait aux États-Unis. J’avais demandé à Doug Sonoco, pour qui j’avais déjà travaillé et qui était devenu mon ami, de me fournir la preuve demandée par l’État. Le simple fait de prouver que j’avais un emploi assuré était suffisant. Doug a préparé ma lettre pour me permettre de compléter les démarches. Le gouvernement américain m’avait envoyé les papiers me permettant de traverser aux États-Unis. Je n’avais pas encore reçu mon visa officiel, néanmoins je pouvais commencer à travailler. Doug s’enquérait à savoir si j’avais obtenu mon visa. Je lui disais que mes papiers étaient en règle et que je recevrais mon visa sous peu. Pour éliminer ses doutes quant à ma légalité, en catimini, il avait téléphoné à l’immigration pour faire vérifier mes papiers. C’est ma femme qui avait traversé au garage pour m’en avertir. Dès que j’ai su que Doug ne jouait pas franc jeu avec moi, j’ai ramassé mon coffre d’outils et je suis parti. Je suis retourné chez Wally, le propriétaire du Specialist Chrysler situé sur Belvedere Road. J’y suis resté pendant l’hiver.
Au printemps, comme les oies blanches, je retournais toujours au Québec. Pendant l’été, j’assistais pour la première fois à une course de Stock-Car à Sainte-Monique-les-Saules à Québec. La piste était rudimentaire. Il s’agissait d’une piste en terre battue aménagée dans un grand champ. Avec des amis, j’étais assis dans les estrades lorsque l’annonceur invite les gens du public à participer. Un dénommé Falardeau s’avance sur la piste au volant de son Ford Meteor bleu 1951. J’avais un gros Mercury 1949. Je m’installe sur la piste parmi les bagnoles des habitués. Elles étaient toutes identiques. Le propriétaire, un dénommé Carrier, y avait fait installer des barres de renfort. La banquette avant de mon Mercury était immense. Ces banquettes étaient plus utiles pour faire l’amour que pour participer à des courses automobiles! Les ceintures de sécurité n’existaient pas sur les véhicules réguliers. Afin de m’aider à rester assis devant le volant, l’organisateur avait installé deux caisses de Coka-Cola à côté de moi.
Falardeau et moi-même avions les autos les plus puissantes. Après quelques secondes de course, la visibilité devient nulle. La terre était propulsée de tous côtés par les roues des véhicules. Je cherchais un moyen de me sortir du pétrin. À l’aveuglette, j’avais réussi à me diriger vers le centre de la piste. Au moment où j’avais le sentiment d’être en sécurité, mon auto est engouffrée à l’arrière par le numéro 51 conduit par Maurice Grenier. Il avait étudié avec moi à l’École technique de Québec. Il me dit : je ne savais pas que c’était toi Jacq! Cette première expérience avait été très négative et je n’avais pas été impressionné. J’étais un gars de vitesse et je préférais exercer mon sport sur les rues et les boulevards.
J’allais sur le terrain de l’exposition de Québec avec mon Dodge 1957 équipé de barres de torsion. Je m’inventais des jeux de toutes sortes. Je partais à reculons et je faisais tourner l’auto pour arriver directement sur la ligne blanche. J’allais partout où il y avait des espaces libres afin de m’amuser avec mon bolide.
En 1958, je travaillais chez Gervais Garage à Sainte-Thérèse de Laval. Le soir, avec mon ami Dubé, nous attachions nos autos avec une ficelle. Nous roulions très près l’un de l’autre. Le but du jeu, c’était d’arriver à la ville suivante le plus rapidement possible, sans avoir brisé la ficelle. Monsieur Gervais s’amusait à voir nos acrobaties.
Quelques semaines plus tard, je suis descendu à Québec pour me rendre chez d’Anjou à Charlesbourg. Celui-ci avait vanté mes qualités de pilote automobile à un dénommé Rodrigue. Il m’avait dit d’aller le rencontrer, car il se cherchait un chauffeur pour son 348 Chevrolet flambant neuf. Le fils du gars de la laiterie Laval s’était tué au volant de ce véhicule.
J’ai participé à ma première course à vie sur la piste de Sainte-Thérèse de Laval. La piste était en gravelle. La bagnole 606, en première position, était conduite par Roland Tanguay, commanditée par Simard Auto Parts à Québec. La voiture 12, conduite par Chamberland, était commanditée par Omer Brière. Moi, j’étais troisième au volant du Chevrolet des Rodrigue. Roland Tanguay qui était au volant conduisait nonchalamment le bras sorti du véhicule. L’auto 12 prend la courbe un peu serrée et monte sur la roue de la voiture 606 et arrache le bras de Tanguay jusqu’à l’épaule. La course arrête le temps de sortir le blessé. La course reprend. J’arrive à mon tour dans la fameuse courbe et la roue arrière casse. Je fais plusieurs tonneaux jusqu’en bas de la butte. Des roches de quatre pouces entraient dans l’habitacle et revolaient autour de moi. Je suis sorti indemne de cet accident. Quand la course fut terminée, j’ai dit à Rodrigue qu’il devait absolument changer les roues de son véhicule. Il devait utiliser des roues avec un différentiel d’une tonne qui seraient en mesure d’absorber la courbe à grande vitesse. Il m’a dit que j’étais trop rough avec sa caisse. Je lui ai répondu que je n’étais pas rough puisque je n’étais pas arrivé à me glisser en première position.
La semaine suivante, je retourne sur la piste de Sainte-Thérèse de Laval. Je suis toujours au volant du Chevrolet des Rodrigue. Les roues ont été changées comme je l’avais demandé. Je roulais à grande vitesse. J’arrive à nouveau dans la fameuse courbe et je me rends compte que je n’ai plus de direction assistée. Je sors de piste et fais plusieurs tonneaux. Le différentiel était sorti et le moteur était démanché. J’ai me suis dit, c’est terminé, je ne conduirais plus de bagnoles bricolées par des amateurs!
Le lendemain, je vais au garage d’Alexandre Lortie. Je lui dis que j’étais venu me construire une auto de Stock-Car. Il était au courant de mes péripéties, car il avait assisté aux deux courses au cours desquelles je m’étais ramassé dans le décor. Mes deux expériences ratées m’avaient néanmoins servi à déterminer avec exactitude ce que je devais installer sur l’automobile pour qu’elle soit à la fois rapide et fiable. Mon budget était serré, alors je suis allé me chercher un frame de pick-up Ford. J’ai ajouté un moteur 318 de Dodge, un Power streering de Chevrolet 1 tonne avec une couronne de billes qui fait marcher le worm et le pit menards. J’ai placé un différentiel de Chevrolet une tonne à l’arrière, ce qui me donnait cinq tours de moteur pour un tour de roues. J’ai aussi installé une solide suspension, et des pneus d’ambulance 890-15, car ils étaient gros et avaient de profondes rainures. Au bout d’une semaine et demie, mon bolide était prêt. Je le nomme le 0X. J’avais choisi zéro, parce que mon bolide n’avait pas encore fait ses preuves sur une piste et le X parce que c’était une des dernières lettres de l’alphabet qui représentait son potentiel.
Ma première course se déroulait bien jusqu’à ce que j’arrive au bout de la piste. Je me rends compte que mon moteur n’a plus de pouvoir et c’est justement là que j’en ai besoin. J’insiste et je brûle mon moteur. Ti-Louis Massé, qui possédait un commerce de pièces de voitures et de camions accidentés, assistait à la course. Il m’avait offert un puissant moteur que j’avais installé dans mon véhicule. Je participe à une seconde course. Rendu au bout de la piste, comme pour le premier moteur, je me rends compte qu’il manque de puissance. Je le brûle également. Les frères Rodrigue possédaient un commerce de pièces de voitures sur la rue Seigneuriale. Le plus jeune des frères s’occupait de la piste de course. Il me dit, Jacq, on va aller chercher un moteur à Montréal. Je vais te donner un moteur de Bonneville. C’était un moteur très puissant. Je me suis vite rendu compte qu’il avait le même problème que les deux autres que j’avais brûlés. Lorsque je suis arrivé au bout de la piste, il a commencé à tousser. Un homme dans l’assistance qui s’y connaissait m’a dit que mes lifters tournaient trop rapidement. Je ne pouvais pas changer les lifters sur ce genre de moteur. La semaine suivante, je participe quand même à la course. Il est arrivé, ce qui devait arriver, j’ai brûlé mon troisième moteur. Il faut dire que ce dernier moteur avait plus de 100 000 miles dans le corps. L’utiliser pour des courses, c’était un peu comme jouer à la roulette russe.
J’obtiens un nouveau contact, Roger Ferland de Saint-Hubert. Il pouvait me fournir un moteur d’Oldsmobile qui n’avait que 10 000 miles au compteur. Sachant que je cherchais un moteur pour participer à des courses, il m’avait offert de me le prêter en échange de la promesse de venir courir près de chez lui à Kenton Park. Le problème avec le moteur d’Oldsmobile, c’est que je ne pouvais pas y installer une transmission ordinaire. J’avais dû me bricoler un adaptateur, pour pouvoir le fixer sur une petite transmission Stud Backer, car j’avais seulement besoin d’une deuxième vitesse et d’une grande vitesse. Je n’avais pas de pédale de frein, car il n’y avait pas de freins sur le véhicule. Je voulais qu’il soit léger et rapide.
J’étais prêt pour ma quatrième course. J’avais confiance en mon auto, car le moteur était puissant. J’arrive à nouveau en bout de piste et dès que j’attaque la courbe, le moteur se met à tousser. Rosaire Raté, l’homme qui m’avait parlé des lifters, revient me dire qu’ils sont encore responsables de mon échec. Il m’avait conseillé d’aller me chercher des lifters hydrauliques.
Il y avait un gars qui vendait des pièces de Hot Rod sur la 1re Avenue à Québec. Il m’avait commandé des Push Rods solides et ajustables. Lorsque je les ai eus installés sur mon bolide, il n’avait plus de limites. En fait, sa seule limite était reliée aux capacités du conducteur et heureusement j’étais un excellent conducteur. Je gagnais toutes les courses. Les amateurs fous des courses ont commencé à me baptiser par des noms comme le «rifle» et le «miracle». C’est à ce moment que j’ai commencé à gagner de la notoriété dans le domaine des courses de Stock-Car.
J’avais un adversaire qui conduisait l’auto 606, qui prenait plaisir à me créer des problèmes sur la piste. La foule était soulevée lorsque je répliquais. Même si nous n’étions pas associés, nous formions un duo de compétition qui attirait les foules. Lors d’une course, j’étais passé entre la 606 et l’auto de Simard Auto Parts et je les avais toutes deux expédiées hors piste. J’étais encore assis au volant de mon véhicule alors que Simard avançait vers moi. Il était enragé et il désirait me frapper avec un objet qu’il tenait dans sa main. Lorsque je me suis retourné, j’ai vu qu’un trucker se battait contre Simard. Les truckers prenaient pour moi. Le 606 avait sa gagne qui prenait pour lui et Simard aussi avait son clan. Les amateurs criaient, c’était la folie. Certaines personnes s’étaient mises de la partie et avaient cassé le pare-brise de plusieurs camions. Je n’avais rien à me reprocher, car j’avais gagné la course proprement. En fait, la stratégie était la même pour tout le monde. Il s’agissait de rouler le plus rapidement possible, de se faufiler entre les bolides et de gagner la course. Ceux qui n’étaient pas suffisamment rapides en payaient le prix.
À suivre….